Premiers sauvetages sans aucun moyen.
C’est en 1969, alors que Patrick et son frère Max ont ouvert un chantier maritime dans la petite baie, qui deviendra plus tard le port du Crouesty, qu’ils sont sollicités par Félicien Glajean dont la vedette actuelle porte le nom, pour devenir « Sauveteurs en Mer » dans l’Association qui est encore les « H.S.B », les « Hospitaliers Sauveteurs Bretons ». Ils adhèrent immédiatement à la demande, dans des conditions pourtant difficiles qui sont maintenant inimaginables. Ils n’ont aucun moyen, les secours sont activés par une antenne des Douanes basée sur la commune mais doivent à chaque intervention trouver une embarcation. Certes, les Douanes disposent d’un bateau mais il est régulièrement en panne et la procédure la plus fiable est l’appel à un marin pêcheur disponible qui embarque les Sauveteurs. Fort heureusement, les alertes sont relativement rares, la plaisance est encore peu développée et les professionnels se portent assistance mutuellement dès qu’un des leurs « hisse un ciré dans la nature » comme le rappelle Patrick. Ils ne pensent pas encore qu’ils commencent à écrire l’histoire de la station S.N.S.M d’Arzon !
Enfin une vedette !
La station balnéaire prend son essor, les « H.S.B » se fondent dans la Société Nationale de Sauvetage en Mer et une petite vedette est affectée le temps de la période estivale. A l’issue d’un immense chantier, le port du Crouesty est mis en eau en 1974. La plaisance explose et la station est dotée d’une véritable vedette de sauvetage en 1977. Patrick y prend les fonctions de Mécanicien Radio et ses compétences seront souvent appréciées, lui qui « est capable de réparer beaucoup de choses avec un bout de ficelle ou de fil de fer ». Max, quant à lui, est canotier avant de devenir Patron de la SNS 114 « Vice-amiral d’Harcourt », fonction qu’il exercera pendant 15 ans, conjointement avec celle de Président de la Station à compter de 1983. Mais, dit-il, « le Président doit avoir du recul » et pour éviter le cumul, il redevient canotier tandis que Patrick prend les fonctions de Patron en 1992. Depuis cette date jusqu’à la retraite, ce dernier accomplira presque toutes les interventions, soit environ 1800 durant sa carrière de sauveteur, toujours prêt à rejoindre le quai dès l’appel de la sirène ou du « bip », quittant son chantier ou ses nombreux passe-temps : la chasse au sanglier, la réfection de voitures de collection ou la peinture artistique… sans négliger son engagement de pompier volontaire, activité qu’il quittera à la limite d’âge au grade d’adjudant-chef, adjoint au responsable du corps.
Pour le sauvetage en mer, le relais était tout trouvé. Dès leurs 18 ans, les deux fils de Max ont embarqué comme canotiers. L’un d’entre eux, Yann, est maintenant parti dans l’océan indien mais l’autre, « Manu » est resté au pays et s’est investi dans le secours bénévole, tant au corps des Pompiers où il vient d’être honoré, en tant que Sergent-chef, pour ses 20 ans de service, qu’au secours en mer. Plongeur puis radio, il devient patron suppléant en 2008. Détenteur du brevet « capitaine 200 », il prend la barre comme Patron titulaire au départ de son oncle Patrick. Pour lui, participer au sauvetage est une chose naturelle puisque, comme il dit : « j’ai toujours connu ça à la maison ».
Tous trois rendent un hommage appuyé à l’équipage, « toujours soudé », souligne Patrick qui précise « une fois à bord, on oublie les caractères différents, on est tous unis pour une même mission ». Max ajoute : « Parfois, ça peut être tendu en intervention mais, ensuite, tout se calme au débriefing ». Et les situations tendues, ils connaissent ! Pas seulement en sauvetage d’ailleurs mais, par pudeur et modestie, ce n’est pas facile d’obtenir des confidences. Comme dit Max, « on n’aime pas parler de nous », même si on tente l’approche d’une navigation hors norme en lui parlant de la Fast Net 79. Fort heureusement on arrive à obtenir quelques éléments par la bande (de copains) pour comprendre la capacité du navigateur, 18 heures à la barre d’un bateau de 12 mètres chargé d’un rôle de jury dans « la course de l’aurore », par des creux de 15 mètres et un anémomètre bloqué à 80 nœuds. Il reconnaît quand même : « une nuit terrible ». La course anglaise déplorera 18 morts, celle des français subira de la casse sur plusieurs bateaux mais, pas de victime.
En route pour l’Elysée
Sur les sauvetages, les deux frères sont aussi peu diserts. Max évoque toutefois certaines missions particulières comme cette réquisition de Justice dans un hiver des années de 1980 où, par un temps de chien, la vedette transporta magistrats, médecin-légiste, policiers et deux détenus dans une île du Golfe du Morbihan où le corps d’un jeune ermite assassiné fut découvert.
Pour Max et Patrick, le plus extraordinaire fut peut-être une invitation à la Garden-party de l’Elysée voici quelques années. Dans un premier temps, ils avaient pensé à un canular mais, non, la Préfecture avait confirmé l’authenticité du carton. « J’ai même dû m’acheter un costume neuf » précise Patrick, d’un ton amusé. Aucun d’entre eux ne connaît l’origine de cet honneur, vraisemblablement un navigateur assisté reconnaissant et anonyme.
Quant à Manu, il partage avec son père le souvenir d’une intervention originale. Max avait la charge de ses deux fils encore enfants pendant que la maman était au travail… survient une demande d’assistance à quelques miles du Crouesty. Aucun problème, voilà les deux gosses bien à l’abri dans la vedette et la mission est effectuée. Alors que l’équipage secouru va être mis en sécurité dans un port voisin, nouvelle demande d’intervention à une distance beaucoup plus importante, au large du Croisic. Que faire des enfants ??? Ils seront laissés à la charge des plaisanciers en attendant que des amis viennent les récupérer.
Max se permet toutefois d’évoquer avec fierté l’ancienne vedette, la 114, qui, lors de son changement après 27 ans de navigation avait toujours les hélices d’origine, preuve que jamais un Jacobée ne talonna ! Quant à la motivation de toute la famille dans le sauvetage, c’est « simplement pas esprit civique » dit-il, « un besoin d’apporter une contribution à la société ». Voilà sûrement pourquoi il est conseiller municipal !
(Extrait du magazine Sauvetage N°123)